Contre l’oppression fiscale, la pression des contribuables

La Cour des Comptes peut mieux faire

Alain Mathieu, président d'honneur de Contribuables Associés, a décortiqué pour vous le rapport général de la Cour des comptes. Voici son analyse.

Chaque année la Cour des comptes fait un nouvel effort pour répondre à la critique souvent formulée à l’égard de ses rapports : « Ils ne sont pas suivis d’effet ». Cette année elle consacre 428 pages de son rapport annuel (sur un total de 1397) au suivi de ses recommandations.  Une première évaluation des suites données aux rapports indique que 62 % de leurs 1671 recommandations ont été « partiellement ou totalement mises en œuvre ». Une deuxième évaluation étudie plus finement ces suites.

En 2013, sur 13 chapitres étudiés, elle « constate des progrès » pour seulement deux d’entre eux. La différence entre ces deux évaluations s’explique car l’expression « partiellement mise en œuvre » n’est pas assez précise. Il vaudrait mieux distinguer les recommandations « totalement mises en œuvre ». La performance de la Cour serait moins flatteuse mais plus exacte.

Les travaux de la Cour des comptes sont-ils inutiles ? Non !

De l’insuffisante application de ses recommandations on ne peut pas déduire que les travaux de la Cour des comptes sont inutiles.

D’abord parce que les recommandations de politique économique qu’elle adresse au gouvernement sont judicieuses. Depuis qu’en 2010 Nicolas Sarkozy a nommé le socialiste Didier Migaud à la tête de la Cour, ses recommandations de baisse des dépenses publiques ont été acceptées par l’opinion publique, le gouvernement et le Président de la république. Ce résultat doit maintenant passer dans les faits. Jusqu’à présent l’effort d’économies du gouvernement est fort modeste. Cet effort est décrit par Didier Migaud dans son discours de présentation du rapport annuel 2014 : « Il ne s’agit pas d’un effort visant à réduire la dépense publique mais à en limiter la progression à environ 2 % par an ».

La Cour des comptes aurait pu comparer les « économies » prévues par le gouvernement français à celles réalisées par des pays comme le Royaume-Uni, l’Irlande ou l’Espagne. Si elle avait étudié ces exemples, elle en aurait tiré des conclusions utiles, par exemple sur le type d’économies qui y ont été réalisées. Mais la Cour ne réalise que très peu de comparaisons internationales.

Les travaux de la Cour des comptes méritent cependant d’être poursuivis car elle analyse chaque année la gestion de différentes administrations, avec des conclusions souvent cinglantes. La seule existence de la Cour peut faire agir dans le bon sens de nombreux gestionnaires d’administrations publiques.

De bonnes propositions pour baisser les dépenses publiques

Cette année, la Cour propose la suppression de deux organismes publics : la Chancellerie des universités de Paris et la SOVAFIM. Didier Migaud s’en explique : « La Cour critique depuis 1978 cette structure de 60 agents (la Chancellerie  des universités de Paris) qui est un gestionnaire de patrimoine universitaire très inefficace (…) Certains occupants de son parc locatif parisien bénéficient toujours de loyers bonifiés et parfois y installent leurs enfants (…).La Cour formule de vives critiques à l’endroit d’une société à capitaux d’État, la SOVAFIM, dont elle avait préconisé la suppression en 2011 et qui parvient étonnamment à se perpétuer ».

La Cour s’attaque aussi cette année une nouvelle fois à l’un des lobbies les plus puissants : elle conteste les réductions de tarifs ferroviaires accordées aux parents et grands-parents des cheminots.

Les recommandations de la Cour ne sont pas toujours aussi courageuses, comme le montrent les trois exemples suivants.

SAFER, il faut aller plus loin : supprimons-les !

L’exemple des SAFER est significatif. En effet ces sociétés à capitaux publics sont un intermédiaire s’ajoutant aux notaires. Elles font bénéficier une vente de terres ou de bâtiments dans des zones rurales de leur avantage fiscal (réduction des deux tiers des droits d’enregistrement) et touchent une commission équivalente à cette réduction d’impôt. C’est un racket organisé à leur profit par des organismes publics.  Or la recommandation de la Cour est fort timide : « Un contrôle plus étroit par l’État de l’activité des SAFER devrait permettre de les recentrer sur leurs missions d’intérêt général ». La Cour aurait dû tirer la conclusion que, les SAFER ne remplissant plus leurs missions, leur suppression est nécessaire.

Partenariats public-privé (PPP) : pourquoi pas la privatisation ?

La timidité de la Cour se manifeste également dans son étude sur les partenariats public-privé pour la construction de bâtiments dans 24 hôpitaux. La Cour dénonce dans ces opérations un véritable gâchis. Que propose-t-elle ? « Produire des guides méthodologiques fondées sur une analyse des bonnes pratiques (…), renforcer les compétences des agences régionales de santé ».

Plutôt que ces recommandations presque insignifiantes, pourquoi la Cour ne propose-t-elle pas de confier leur gestion à l’hospitalisation privée, qui a largement prouvé qu’elle était moins coûteuse en fonds publics que l’hospitalisation publique ?

Finances des communes : une timidité regrettable

Un troisième exemple de la timidité de la Cour est donné par son traitement cette année des finances des communes. D’après la Constitution la Cour « contribue à l’information des citoyens ».  En vue des élections municipales, elle aurait dû publier ses analyses et celles des Chambres régionales des comptes sur les finances d’un maximum de communes.

Qu’a-t-elle fait ? « En raison de la proximité des élections municipales de mars 2014, la présente édition du rapport public consacre une place réduite aux collectivités territoriales et aux organismes qui en relèvent. L’obligation de réserve préélectorale qui s’impose… » Cette obligation de réserve que s’invente la Cour est contraire à sa mission.

Heureusement, l’association Contribuables associés comble cette lacune en donnant sur l’Argus des communes toutes les informations financières sur les communes dont les électeurs ont besoin :

Didier Migaud a théorisé la raison des timidités de la Cour : « Sans porter d’appréciation sur les objectifs qui sont assignés aux différentes politiques publiques, la Cour établit des constats sur l’atteinte ou non de ces objectifs ».  La Cour ne veut pas s’immiscer dans les décisions politiques ; elle se limite à un rôle d’auditeur indépendant. Cette autolimitation nuit à son efficacité.

A quand une véritable collaboration avec le Parlement ?

Dans la plupart des pays nordiques et anglo-saxons, les Cours des comptes sont à la disposition des Parlements. Au Royaume-Uni par exemple une commission du Parlement convoque pendant trois heures, une ou deux fois par semaine, un responsable d’une administration et, au vu d’un rapport de la Cour des comptes anglaise, lui demande des explications sur les recommandations de cette Cour qu’il refuse de mettre en œuvre. La presse est présente et rend compte abondamment de ces séances. Cette collaboration organisée entre le Parlement et la Cour des comptes améliore la gestion des administrations et évite des gaspillages. Pierre Joxe, qui dirigeait à l’époque la Cour des comptes française, avait assisté à une de ces séances et déclaré à son retour : « C’est ce que nous devons faire ». Dans son programme électoral de 2007, l’UMP avait promis la création d’un organisme d’audit dépendant du Parlement. Cette promesse n’a pas été tenue, car la Cour des comptes s’est opposée à la création de cet organisme : les 714 magistrats de la Cour tiennent à leur indépendance, qui leur permet de choisir leur programme de travail, de n’être contrôlé par personne, et pour certains de ne rien faire.

Pour améliorer la performance de la Cour, le projet de Pierre Joxe et de l’UMP mérite d’être repris.

Par Alain Mathieu, président d’honneur de Contribuables Associés

Avec Contribuables Associés, luttez pour la réduction des dépenses publiques, car trop de dépenses publiques c’est trop d’impôts, et contre les gaspillages scandaleux d’argent public !

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