Xavier Fontanet est essayiste, ancien directeur général des Chantiers Bénéteau et ex-président d’Essilor. Il est membre de l’Institut des Solutions. Il est notamment l’auteur de « Si on faisait confiance aux entrepreneurs. L’entreprise française et la mondialisation » (Les Belles Lettres).

La scène se passe à Paris en 2027, où une discussion s’ouvre entre un grand-père, Auguste, 90 ans et toute sa tête, et son petit-fils Antoine, qui en a 40. Auguste a vécu en province, il a fait toute sa carrière en entreprise, il dispose, du fait de son métier, d’une grande expérience internationale. Antoine, son petit-fils, lui, a vécu à Paris, a fait l’ENA et travaillé dans l’administration, puis dans les cabinets ministériels. Il est entré en politique et vient d’être élu président de la République. Il a l’habitude de demander conseil à Auguste, avec lequel il a un lien très fort. Dans ce 20e chapitre, nous les écoutons échanger sur les économies que doit réaliser la France.
- (Lire le chapitre 1 « Politique générale »)
- (Lire le chapitre 2 « La Nouvelle-Zélande »)
- (Lire le chapitre 3 « Le modèle suisse« )
- (Lire le chapitre 4 « Le Canada »)
- (Lire le chapitre 5 « Frédéric Bastiat »)
- (Lire le chapitre 6 « L’ISF de retour ? »)
- (Lire le chapitre 7 « L’art du compromis »)
- (Lire le chapitre 8 « Les idées simples à retenir des réformes canadiennes et allemandes »)
- (Lire le chapitre 9 « L’actionnariat salarié »)
- (Lire le chapitre 10 « Le budget »)
- (Lire le chapitre 11 « Les déficits sociaux »)
- (Lire le chapitre 12 « Singapour »)
- (Lire le chapitre 13 « Les réformes en Allemagne »)
- (Lire le chapitre 14 « Les ronds-points »)
- (Lire le chapitre 15 « Le monde agricole »)
- (Lire le chapitre 16 « Désindustrialisation : que faire ? »)
- (Lire le chapitre 17 « La transformation énergétique »)
- (Lire le chapitre 18 « Le cours d’économie idéal »)
- (Lire le chapitre 19 « Rôle de l’Etat, bien commun et mayonnaise »)
Des idées simples pour remettre le pays sur pied
Antoine
Le Parlement ne donne pas une bonne image de la démocratie en ce moment.
Auguste
C’est catastrophique, certains députés sont malpolis, ils se coupent la parole, c’est comme s’ils voulaient détruire la démocratie, pour le citoyen lambda que je suis, ce n’est pas terrible !
Antoine
J’aimerais fixer une grande perspective et qu’on sorte de la logique de la plupart des députés qui donnent leur avis sur la situation, non pas selon l’intérêt général, mais avec en arrière-pensée les alliances électorales qu’ils devront conclure au second tour de la prochaine élection.
Peux-tu m’aider à dessiner la politique qui nous remettrait sur pied ? Nous sommes surendettés, la croissance patine, les entreprises se délocalisent, le budget de l’État est en déficit depuis cinquante ans ; quels grands axes faut-il donner pour sortir de l’ornière ?
Auguste
On va évoquer les grandes idées, mais avant de le faire il me faut les bons chiffres sur les finances publiques et sociales.
C’est très difficile pour quelqu’un comme moi, qui ne dispose que des journaux. J’en veux au Conseil d’orientation des retraites, le COR, qui a été très peu transparent dans cette affaire de retraite. Certains disaient que c’est équilibré, on découvre que les pertes sont énormes. Ce flou est anormal après une si longue période consacrée à la réflexion. On paie des impôts déraisonnables et on ne sait même pas où va l’argent !
Antoine
Je peux te donner les grands chiffres de tête, en tant qu’inspecteur des finances et Président j’y ai accès. Je vais t’alimenter. Que te faut-il pour commencer ?
Auguste
Tu sais mes craintes sur la dette, un axe fondamental de la politique va être de désendetter le pays. Calcule l’argent que le pays va claquer pour payer les intérêts dans les dix ans qui viennent si elle ne bouge pas
Antoine
Aide-moi
Auguste
3 300 milliards, au taux actuel de 3,45 %, c’est 110 milliards par an, 1 100 milliards sur dix ans ; 50 000 euros par ménage sur la période, 400 euros par mois
Antoine
Effarant
Auguste
On va rester dans les ordres de grandeur . L’ordre de grandeur juste, je le préfère à l’erreur très précise
Antoine
L’endettement actuellement est 110 % du PIB. On pourrait dire qu’on le ramène à 90 % PIB en 10 ans ; la facture c’est 20 % de 3 300 milliards, à la louche 660 milliards, sur 10 ans c’est 66 milliards par an. Tu me suis ? Cela ne règlera pas le problème mais ça l’atténuera.
Auguste
Tout à fait
Antoine
Du coup faisons les choses bien : on monte le budget de notre défense nationale à 3,5% du PIB, c’est-à-dire au niveau américain, Trump n’aurait rien à dire, je fais le calcul : c’est 40 milliards. `
Auguste
Notre industrie est handicapée par des impôts de production trop lourds, il faut les baisser de 80 milliards pour se mettre au niveau allemand
Antoine
Je tiens les comptes du ménage France il faut donc trouver 66 + 40 + 80, j’arrondis, 190 milliards.
Où trouve-t-on les économies ?
Antoine
Ça va demander d’énormes efforts parce que le budget est à -150 milliards.
Auguste
Fichtre ; on cherche au total 340. De quoi sont faits les 150 milliards de déficit budgétaire ?
Antoine
Ce n’est pas compliqué : 70 vient des retraites, 30 de la santé, le reste 50 du régalien.
Auguste
L’État fait du social, ça lui coûte cher ! La retraite j’ai compris que l’État subventionnait les retraites des régimes spéciaux et celui des fonctionnaires d’où les chiffres beaucoup plus élevés que ceux dont on parlait.
Je m’attaque aux 70. Pour retrouver l ‘équilibre, c’est assez simple si on décale d’une année le départ à la retraite, on gagne 21 milliards. Tu me dis si le calcul est bon.
Les prestations c’est 340 milliards pour 25 ans de retraite. Si on part un an plus tard, on économise 13,5 milliards, Les cotisations de leur côté augmentent de 7,5 : 270 divisé par 36, la durée de cotisation. Au total les comptes s’améliorent de 21 milliards ; ça veut dire que pour revenir à l’équilibre des retraites, il faut allonger la durée de travail de 3,3 ans
Antoine
Intéressant toute l’Europe fait le même calcul puisque les pays tendent vers les 67 ans. Cette idée de suspendre la réforme en dit long…
Les 30 milliards de la santé , pour le coup je me souviens de ce que tu m’as expliqué : plusieurs pays ont eu le même genre de problème. Il y a ceux qui ont privatisé leur sécurité sociale comme La Nouvelle-Zélande, mais ça c’est peut-être aller un peu fort. Je sais par contre que Gerhard Schröder, quand l’Allemagne a eu de gros problèmes dans les années 2000, a annoncé qu’il ne comblerait plus les pertes des caisses de santé, les syndicats et le patronat ont choisi la piste du ticket modérateur ; ça a arrêté les pertes des caisses sociales qui étaient du même ordre de grandeur que les nôtres aujourd’hui.
Auguste
Tout à fait, les dépenses inférieures à 25 euros, c’est à peu près 30 milliards en ce moment en France.
Antoine
Je récapitule : déficit public, sur les 150 on a trouvé 100, il reste 50, je rajoute les 190 (baisse de la dette, augmentation du budget des armées, égalité fiscale par rapport aux allemands), cela fait 240 !
Si on suit les recommandations de Jacques de Larosière, qui est venu me voir, sur la fonction publique il y a d’énormes économies à réaliser sur la durée. Nous avons 5,7 millions de fonctionnaires pour 68 millions d’habitants, soit un pour 11 habitants ; les Allemands ont 4,6 millions de fonctionnaires pour 85 millions d’habitants soir un pour 18. Si on se met à la productivité allemande, on a besoin de 3,5 millions, en gros nous avons 2,2 millions en trop.
Auguste
À 70 000 euros, toutes charges comprises par personne ça fait 155 milliards.
Antoine
Ça ne va pas se faire du jour au lendemain ; prenons sept ans. Il y a déjà les départs à la retraite, 150 000 par an C’est plus de 10 milliards par an, en 7 ans 75 milliards. Le reste c’est balayer chaque ligne du budget et se demander si c’est existentiel et si on ne peut pas mieux s’organiser.
Cet exercice a permis aux Canadiens, sous Jean Chrétien, comme tu me l’as expliqué, de baisser en sept ans de 25 % la dépense régalienne.
Je recapitule : restait 240 on vient de gagner 155 il reste 85… Là, on est à l’os !
Auguste
Pas du tout !
On n’a jamais parlé du coût des 35 heures. Plus j’y réfléchis, plus je me rends compte qu’en réduisant la durée de travail on a considérablement freiné l’économie ; je fais le calcul suivant : 21 millions d’emplois à 19 euros de l’heure, c’est-à-dire 38 euros chargés, cela fait une perte de PIB de 175 milliards, c’est en gros 90 de perte de recettes fiscales et sociales. Les 85 milliards …on les a trouvés !
Antoine
Génial ! Le message à passer est simple, Il suffit, mais il faut trois familles d’efforts
– travailler comme nos voisins (départ à la retraite à 67 ans et 40 heures par semaine),
-accepter un ticket modérateur (largement payé par l’augmentation de la durée de travail)
-et faire ce que les Canadiens ont fait sur leur sphère publique sous Jean Chrétien .
Auguste
Les 58 % de dépenses publiques et sociales vont considérablement décroitre , on va passer largement sous les 50 % : fais les calculs , du coup le pays va redevenir attractif et la croissance va revenir .
Ceci est confirmé par l’analyse de ce qui s’est passé à la sortie de la crise Lehman Brothers : tous les pays qui ont baissé les dépenses et les impôts , ce qu’on va faire , se sont remis à croitre .
Antoine
J’ai bien compris que ces réformes vont permettre de retrouver un excédent qui permettra de réduire la dette, peut on aller plus vite ?
Auguste
Tu lis dans ma tête, l’État a d’énormes actifs immobiliers et un gros portefeuille d’actions, il pourrait en vendre une partie pour réduire d’un coup la dette.
Antoine
Tu as une idée de la somme ?
Auguste
Demande aux services compétents. Je crois me souvenir que l’Etat possède 100 millions de m² bâtis; à mon avis ce n’est pas impensable de trouver 1 000 milliards .Je ne te dis pas de te séparer du palais de l’Elysée pour frapper les esprits mais réfléchis à une vente significative sur quelques années. Là, tu fais chuter la dette .
Antoine
Merci grand père, ça se met en place dans ma tête. Le problème de la sphère privée c’est qu’elle ne travaille pas assez. La sphère publique, c’est autre chose, elle ne travaille pas aussi efficacement qu’elle le devrait.
Auguste
Le pays peut très bien repartir d’un bon pied.
Ce discours a le mérite d’être simple et, ce qui est bien dans cette affaire, c’est que tu demandes des efforts à tous !
Rappelle aussi que l’environnement géopolitique a complètement changé, il faut prendre de la hauteur.
Il faut aussi que tu expliques qu’on ne fait que retrouver le temps de travail que l’on observe chez nos voisins.
Termine avec un couplet sur le pouvoir d’achat : il va grimper avec la croissance l’augmentation du temps de travail et la baisse des impôts. Fais faire le calcul : je dis, à vue de nez, 50 % en cinq ans.
Antoine
Nos discussions me donnent une sacrée perspective, je vois ce qu’il faut faire, j’ai la vision d’ensemble. Au fond, la situation est rattrapable.
Merci Grand-père !
Fin du chapitre 20. La suite, au prochain épisode…
2 réponses
Merci, même si ce n’est qu’une fiction… qui peut-être deviendra réalité ?
Si la France avait des hommes et femmes politiques courageux, qui expliqueraient en toute transparence le pourquoi ils faudrait faire des efforts et qui agiraient pour sortir du bourbier où ils nous ont mis, je serais la première à faire 40h/ semaine.
J’ai été artisane 17 ans j’étais à plus que ça.
Merci grand-père » ainsi se termine la page 7.
toute laFin de cette page 7 et la page 8
ne sont que des invitations à lire les derniers articles publiés sur le site des Contribuables associés.
Je regrette vivement de ne pas pouvoir le faire … les lire tous.
Néanmoins, j’espère que tous ces auteurs (souvieux de l’avenir de la France)
se rencontrent pour discuter ensemble de l’élaboration de nouvelles recettes pour redresser notre pays : la France.
J’aimerais pouvoir y assister. … à ces réunions.
Malheureusement, …….. je dois me faire une raison.
Dans ce chapitre 20, Là encore : Auguste donne de mauvais conseils à Antoine.
Il voit ça d’en haut.
Il ne voit pas comment ses ordres vont être exécutés.
Peut-être qu’en Allemagne … ou ailleurs ; ils n’ont pas ce genre de problèmes ?
Merci de votre attention.
Françoise VAULET – 57150 CREUTZWALD